Voilà un article que j'ai écrit et publié dernièrement sur ce site :
Terrepolitique.com
60 ans pour Israël : 1948 contre 1967, ou la tyrannie de l’histoire
Les 60 années d’anniversaire de l’état hébreu sont une intense période de production littéraire et audiovisuel, en Israël, aux Etats-Unis, comme en France. Pas un hebdomadaire, un quotidien, une revue, une station de radio, une chaîne de télévision n’a échappé à l’évènement et à la commémoration rétrospective (pour une approche critique voir l’article Peut-on commémorer les 60 ans d’Israël ? sur Terrepolitique ). L’année 1967, celle de la guerre des Six-jours n’a pas donné autant de discussion et de réflexion l’année dernière. Quelques articles et documentaires seulement. C’est bien dommage. La situation actuelle et ses possibilités de résolution doivent plus à l’occupation israélienne de 1967, qu’à la création de l’état israélien en 1948. C’est la tyrannie de l’histoire qui plane sur l’actualité.Israël est sûrement le pays le plus fascinant du monde. Son origine est une histoire d’intellectuels européens, de réfugiés des camps de nazis, de militaires improvisés. La création d’Israël en 1948 est presque un roman d’aventure. On sait néanmoins, depuis quelques années, gâce à la lecture des archives que la réalité fut moins glorieuses. Les “Nouveaux historiens “, comme Benny Morris, Ilan Pappé, Avi Schlaim, ont montré que les dirigeants israéliens ont profité de la première et inévitable guerre israélo-arabe de 1948 pour chasser le maximum de population palestinienne, afin de fonder un état où les Juifs seraient très largement majoritaires.
La guerre de 1948 n’a jamais été terminée. La création d’Israël a énormément perturbé le Moyen-Orient. Depuis 60 ans, aucun pays arabe n’a établi de véritables relations avec Israël, excepté l’Egypte (1978) et la Jordanie (1994.)Ce n’est pas la peine de revenir là dessus. Le problème des réfugiés empoisonne les relations israélo-palestiniennes depuis que les deux camps ont commencé à discuter ensemble pour la paix. Ceux qui sont parti de leur terre en 1948 se sont refugiés pour un très grand nombre dans les pays voisin. Ils constituent aujourd’hui environ quatre millions de personnes. La plupart, ceux qui se sont installé en Jordanie, ont réussi plus ou moins à s’intégrer dans ce nouveaux pays. Par contre au Liban, les Palestiniens réfugiés vivent toujours dans des camps. Pour les Libanais, leur présence leur pose beaucoup de problème. C’est autour de la présence palestinienne qu’ont commencé les premiers affrontements de la guerre civile en 1975.
Pour les Palestiniens, un accord de paix avec Israël devant déboucher sur un état doit régler la question des réfugiés. Pour eux, les réfugiés ont un droit au retour. C’est à dire la possibilité pour un certain nombre de Palestiniens et leur descendance de revenir là où ils ont été expulsés en 1948. Pour Israël, cette revendication pose problème. C’est l’un des causes des échecs successifs des dernières négociations de paix. Alors que pour les Palestiniens, le droit au retour est un point fondamental des accords, les Israéliens, quant à eux considère ce droit comme secondaire : la paix tout d’abord, le droit des réfugiés ensuite. Pour les Israéliens, accepter le principe du retour des réfugiés, c’est reconnaître sa responsabilité. Puis, c’est surtout accorder à des Palestiniens le droit de revenir s’installer en Israël. Pour beaucoup d’Israéliens, la revendication palestinienne est une arme dirigée contre eux. En effet, disent-t’ils, les dirigeants palestiniens chercheraient que la population juive ne soit plus majoritaire. Pour les Israéliens, une telle politique équivaut à condamner à mort Israël (1) (pour une présentation de la question démographique en Israël, voir l’article Guerres démographiques). Cet argument est très présent chez les Israéliens, et représente bien la peur de la majorité des Israéliens que concéder trop de chose aux Palestiniens revient à sacrifier leur pays. Il est dommage qu’en France des intellectuels reprennent, sans distance critique cette argumentation, sous prétexte qu’elle est développée par des Israéliens du “Camps de la paix”, comme Amos Oz.
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Soldats israéliens entrant dans la vieille villde Jérusalem durant la guerre des Six-jours. Photo publiée sous licence Creative Commons par dAVIDb1.
La question des réfugiés est évidemment très importante, mais pas l’essentiel. La création d’Israël non plus. A force de parler de 1948, on oublierait que ce qui fonde aujourd’hui le contentieux entre Israéliens, Palestiniens, et leurs voisins du Moyen-Orient, ce sont les territoires occupés. Depuis 1967, Israël occupe la Cisjordanie, Gaza et le Golan. Depuis 15 ans, Israël se désengage de ces territoires (complètement à Gaza en 2003), donnant au Palestiniens, à défaut d’un Etat, une autonomie. Mais Israël a joué l’ambiguïté en en accélérant à coté la colonisation. L’échec de cette ouverture a entraîné un accroissement des violences entre Israéliens et Palestiniens, où chacun jette la responsabilité à l’autre (pour une explication de l’impasse des derniers accords de paix, voir l’article “Seul un peuple libre peut négocier”).
Et la place d’Israël dans le Moyen-Orient ? Il faut encore une fois de plus aller voir plutôt du coté de 1967 que 1948. La Syrie est prête à établir des relations avec Israël, si ce dernier s’engage à redonner le Golan. De plus, de nombreux pays arabe, et non des moindre comme l’Arabie saoudite, sont prêt à faire de même, si un accord véritablement équitable est trouvé avec les Palestiniens. De même le Hamas peut revoir ses objectifs, si Israël manifeste de véritable engagement à à fonder un état palestinien. La balle est dans le camp israélien.
De plus, 1967 est une date charnière dans l’histoire d’Israël. La victoire a rendu les Israéliens fiers et conquérant. Le sionisme laïc des origines est devenu de plus en plus religieux, ouvrant la voie à la victoire historique du likoud en 1977. Dans les pays arabe, 1967 est synonyme de honte et de défaite. Pour les Palestiniens, c’est la preuve qu’il faut mieux compter sur eux même pour obtenir un état que sur les “frères” arabes.
Célébrer, ou critiquer, si lourdement Israël pour son soixantième anniversaire, c’est une manière de toujours douter de son existence. Ce qui est le plus étonnant, c’est que les Israéliens semblent faire de même. Personne, aujourd’hui de sérieux ne veut revenir à une situation antérieure à 1948. Contrairement à ce qu’une certaine propagande israélienne entend dire, les dirigeants palestiniens ne veulent pas la destruction de l’état hébreu. Le mieux qui peut être fait, c’est revenir conjointement avec les Palestiniens sur la guerre 1948, réussir à trouver un terrain d’accord sur le droit au retour des réfugiés, améliorer la condition des Palestiniens de citoyenneté israélienne, etc. Mais cela ne peut être fait que par le retrait d’Israël des territoires qu’il occupe depuis 1967. Si un état palestinien, doit être fondé c’est dans les frontières de 1967, et non 1948.
Revenir constamment sur 1948, c’est écarter les vrais problèmes. C’est également mettre l’actualité sous le joug de l’histoire. Il reste à espérer qu’en 2017, on parlera plus de la guerre des Six-jours que de la création d’Israël en 2018. Mieux, il faut espérer qu’en 2017, ce sera l’anniversaire d’une occupation terminé. Ainsi, les 70 ans d’Israël ne seront finalement qu’un anniversaire comme un autre.
– au lieu de vous jettez sur les bonnes et mauvaises bibliographies sur la naissance d’Israël que proposent toute le presse en France, lisez l’excellent 1967 de Tom Seguev (Denoël, 2007). A la lecture, vous comprenderez pourquoi 1967 mérite plus d’interêt que 1948.–
(1) Souvenons nous que le projet sioniste avait pour but de construitre un état où les Juifs ne serait plus une minorité dispersée à travers le monde, mais une majorité.
Le 10 000ème messages du forum "dernier mot", c'est qui ? Bin c'est moi !!!