message posté le 11 août 2013 à 22h59
J'en conviens, ce topic n'a pas franchement d'intérêt. Il est même possible qu'il en existe des équivalents sur ce forum. Malgré mes recherches, je n'en ai pas trouvé, si tel est le cas, veuillez m'en excuser.
Il s'agit juste d'une petite diatribe, d'un "coup de gueule" comme diraient certains sur la tournure que prend la licence Sim City, voire l'orientation que prennent les jeux vidéo en règle générale. Mais ce sujet me tient tellement à coeur et bout en moi depuis tellement de temps que je ne peux m'empêcher de publier quelques ébauches de mes ressentiments. Et tant pis si personnes ne la lira!
Ayant été fan du 2, du troisième puis, du merveilleux volet 4, SimCity fait, pour ainsi dire, partie de ma vie. Alors, comme tous les fans de la licence, j'ai attendu le 5 avec une impatience presque juvénile. En me renseignant sur Internet via des sites de critiques, les forums et blogs à gogo, les premières impressions des joueurs de la bêta m'ont fait tomber le ciel sur la tête.
Premier coup de poignard dans la poitrine : dit-on que les cartes sont trop petites. Selon jeuxvidéo.com, il ne faut pas plus de deux heures pour remplir la carte originale! Le nouveau-né de chez Maxis introduit donc le concept de villes jetables. Un nouveau virage qui rompt totalement avec la vision sur le long terme qui a tant fait le charme du précédent opus... Adieu donc les centaines d'heures de jeu et de tâtonnements pour modeler la région parfaite!
Deuxième avanie, et pas des moindres, la mise en place du mode multijoueurs omniprésent. Proposer en supplément une telle option, pourquoi pas... (bien qu'à mon avis, SimCity est un jeu "solitaire" et ne peut pas copier les Battlefields et autres jeux online...) Mais de là à subir en permanence les actions des autres, voilà qui pourrait devenir un véritable enfer! Une sale manie des développeurs aujourd'hui d'interconnecter à coup de pompe dans le cul tous les joueurs de la planète autour d'une même communauté. Et tant pis pour les marginaux qui aspirent à un style de jeu différent! On aura l'occasion d'en reparler après...
Troisième faute de goût : la suppression d'options qui ont permis d'enrichir la licence au fil des années. Je parle de la gestion des transports ou encore le terra-forming. Il s'agit soit d'une volonté de simplification pour ramener d'autres publics, soit d'un calcul pour rajouter ces prérequis dans des extensions... Les fans de Civilization reconnaîtront parfaitement ce problème. Après un Civ5 épuré de la richesse des précédents opus, il aura fallu 2 DLC (et 3 ans d'attente) pour retrouver un jeu correct...
Enfin, il s'agit sans doute d'un détail, mais apprendre que Maxis vendait des éditions limitées intégrant des bâtiments à l'architecture haussmanienne m'a doucement fait rigoler. Dans le 4, on pouvait télécharger ces nouveautés gratuitement grâce au travail remarquable des fans. Alors pourquoi payer pour quelque chose qui était libre d'accès avant? Je me trompe peut-être, mais j'ai peur qu'EA déploie un système de mods, une boutique en ligne où il faudra payer 1 ou 2 € tel ou tel nouveau bâtiment. Cela se fait déjà sur des tas de jeux (gratuits ou non), des Sims à Team Fortress...
Nous touchons là le coeur du problème : l'emprise d'un marketing "radical" sur le développement et la création des jeux. Autrement dit, le joueur d'aujourd'hui évolue dans un espace privatisé de plus en plus verrouillé et balisé, une plate-forme où tout serait mis en place pour le forcer à mettre la main au porte-monnaie.
Bien sûr, l'industrie des jeux vidéo n'échappe pas à la règle de l'offre et de la demande. Les éditeurs, forts de leur cohortes de développeurs et de commerciaux, ont besoin d'innover, d'élargir des cibles afin de maximiser leur chiffre d'affaires. C'est une évidence et il n'est pas question de remettre en cause ce principe au profit d'une vision utopiste de hacker : "accès libre pour tous...".
Il y a alors marketing et marketing. Je me rappelle de l'interview de la Directrice des Ventes de Maxis datant de 2004, en parlant des nouveautés de Simcity 4. Elle parlait avec enthousiasme du concept de régions, de longue durée de vie des parties, de la richesse de la gestion des villes, de la personnalisation à outrance... Madame avait parfaitement identifié les envies qui animaient la majorité des joueurs de la licence. Alors, que s'est-il passé depuis?
Il faudra revenir un peu en arrière et bien comprendre que SimCity suit une tendance globale du jeu vidéo qui s'est aggravée progressivement depuis quelques années.
Et au commencement, la pomme du péché...
Tout commence en 2001. Apple présente en grande pompe leur nouveau joujou : Itunes, une plateforme dédiée qui permet d'écouter de la musique sur tous les produits de la Pomme : ordinateurs, téléphones portables... Le hic : les pistes ne peuvent être écoutées seulement si le client les achète sur la boutique en ligne. De plus, Itunes n'offre aucune compatibilité avec d'autres plateformes ou logiciels. La communauté Apple boude timidement pendant un temps mais baisse l'échine et continue à consommer les produits de la marque avec une déférence qui confine à la religiosité.
Quelques témoignages...
Du point de vue d'Apple, le marketing vient de franchir un grand pas dans la relation entreprise/clients. Si autrefois, le marketing représentait le "radar" des sociétés, c'est-à-dire, identifier l'offre et la demande par des techniques de veille, calibrer le bon produit au bon moment, satisfaire les cibles tout en les suprenant (d'où la créativité des jeux vidéo), désormais les prestataires intégreront ce que je qualifierais le "marketing total".
Tout d'abord, on vous présente des innovations à priori pavées de bonnes intentions : une nouvelle plateforme réussit la prouesse de télécharger et de gérer des données plus rapidement. A cela s'ajoute une dimension sociale, chacun pourra être connecté en temps réel avec ses amis. Le fameux "connecting people" devenu le leitmotiv des sociétés spécialisées dans l'électronique et la communication. Seul bémol : l'utilisateur ne possède en réalité que peu de marge de manoeuvres dans un espace virtuel où tout se monnaie. Et on ne parlera pas des enjeux liés à la vie privée et à la confidentialité des informations!
La vision du monde à la sauce Steeve Jobs s'étendra aux jeux vidéo. Certes, dans les 90's, les consoles de jeux n'autorisaient que les licences estampillées par les éditeurs. Désormais l'hégémonie marketing tentera de contrôler et de baliser la pratique du joueur dans un espace clos, que ce soit en multijoueurs ou en solo.
Nous sommes maintenant en 2004. Valve va sortir sa nouvelle petite bombe : Half Life 2. Un faire-part de naissance qui s'accompagne de l'indignation de la part de la communauté des gamers. Sous prétexte de prévenir le piratage, il est obligatoire de s'enregistrer sur Internet pour pouvoir profiter de son nouveau joujou. Le garde-fou de ce système est aujourd'hui bien connu.
Tout le secteur s'aligne timidement sur cette tendance. On proposera de simples téléchargements bonus via un site Internet (c'était déjà le cas de SimCity 4), l'installation ou le simple lancement d'un programme incite l'utilisateur à s'inscrire en ligne afin de rejoindre "la communauté". Le mode multijoueur sera le premier à suivre la tendance. Par exemple, World of Warcraft ne donne pas d'autres choix que de payer un abonnement mensuel, bien que cela soit justifié par l'ajout régulier de contenus inédits (quêtes, objets etc.).
Aujourd'hui, pratiquement aucune licence populaire ne peut se passer des plateformes de contenus en ligne (Steam, Microsoft, Battlenet...). Bien sûr, tout n'est pas à jeter. Ces innovations facilitent le téléchargement de mods très funs, souvent conçus par les fans eux-mêmes, ce qui enrichit considérablement l'expérience de jeu. Mais progressivement, les éditeurs brisent le pacte discret qui s'est établi entre les joueurs et les créateurs, surtout dans les versions PC. Une fois le jeu en main, rien n'empêchait le fan doué en programmation de rajouter de nouveaux contenus personnalisés, pour parfois en faire un jeu totalement différent. Telle est la génèse de Counter Strike. Voir à ce sujet, l'excellente vidéo de 3615 USUL.
La version 4 de Civilization a suscité un réel engouement de la part des joueurs. Tout était possible : s'immerger dans le monde de Dune ou encore s'adonner au genre Heroic Fantasy grâce à Fall From Heaven, petit joyaux proposé gratuitement par les fans! A noter, la nouvelle version de Civilization ne permet plus de concevoir des mods aussi poussés.
Les fameux mods de Skyrim. Pour le meilleur et pour le pire! Pourtant relativement récent, Bethesda a gâté ses fans en permettant un système de modding souple. Le workshop Steam ressemble ainsi à un joyeux bordel, entre incongruités et exotisme!
Nous voilà donc à une époque charnière. Pendant que certaines licences font figure de proue dans le domaine du "marketing total", d'autres résistent ou se convertissent timidement.
A titre personnel, la pratique du jeu vidéo reste une activité privée. Je n'ai pas envie de payer pour du contenu qui était gratuit avant. L'idée d'être interconnecté à une communauté de gamers me semble intéressante mais m'emmerde parfois et j'aimerais avoir le choix d'y appartenir ou non. La simplification de plusieurs jeux afin de les élargir à de nouveaux publics et de proposer après des extensions à gogo pour corriger le tir me déprime. Verrouiller l'espace de jeu pour bloquer tout nouveau contenu amateur au profit des créations des éditeurs - ce qui empêche quelque part le joueur de s'approprier pleinement sa pratique - m'énerve.
Mais quelque part, je suis à la fois récalcitrant et complice de ce système qui s'impose petit à petit. Des jeux, je continue à en acheter. Cependant, voir qu'Electronic Arts a opté pour un changement de direction aussi radical m'a surpris, voire irrité.
Voilà pourquoi j'ai décidé de boycotter Simcity 5.
"L'optimisme, c'est : 2+2=4 , Le pessimisme, c'est : 2+2=5. Cet univers où nous sommes est un univers pessimiste." François Cavanna