message posté le 24 janv 2008 à 22h44
Dans La Pressedu dimanche 20 janvier 2008 :
Rue Notre-Dame: une consultation sans débats
Bruno Bisson
La Presse
Le mégaprojet de modernisation de la rue Notre-Dame, dans l'est de Montréal, coûtera 750 millions. Cette artère désuète à quatre voies deviendra un boulevard à huit voies. Le chantier durera six ans. La circulation automobile augmentera ensuite d'environ 50% en bordure des quartiers Mercier, Hochelaga-Maisonneuve et Sainte-Marie, où vivent environ 145 000 personnes. À l'entrée du centre-ville, elle dépassera les 100 000 véhicules par jour.
Combinées à celles du port de Montréal, les émissions polluantes émises par ces dizaines de milliers de véhicules additionnels dépasseront les normes sanitaires en vigueur au Québec en matière de concentration de particules fines, qui figurent parmi les plus importants vecteurs de maladies respiratoires liées au smog.
Mercredi dernier, le ministère des Transports du Québec (MTQ) et la Ville de Montréal recevaient la population locale à la Maison de la culture Mercier pour connaître son opinion au sujet de la piste cyclable, de l'aménagement sécuritaire des parcs et de la couleur des murs antibruit. En granit gris foncé, avec motif de briques rouges ou en matière translucide?
La tenue de cette consultation découle d'un décret adopté en 2002 par le gouvernement du Québec pour favoriser la construction d'un «boulevard urbain» en prolongement de l'autoroute Ville-Marie, qui s'étend sur neuf kilomètres entre le pont Jacques-Cartier et l'autoroute 25.
Ce décret posait 19 conditions au ministère des Transports et à la Ville de Montréal pour l'obtention des permis de construction. La tenue de cette consultation en est une. Le décret ne précisait toutefois pas la formule à privilégier pour les consultations. Celle préconisée par la firme privée Convercité, qui organise cette consultation, est pour le moins originale.
En plus de fournir très peu d'informations - ni études ni analyses - sur l'augmentation du débit de circulation, du niveau de bruit ou de la pollution atmosphérique, la formule de la consultation n'offre aucune possibilité de débats ou d'interactions avec les divers spécialistes qui ont participé à la conception de ce projet.
Le caractère très limité de ces consultations, qui concernent davantage les questions d'aménagement entourant l'infrastructure plutôt que les caractéristiques du projet routier lui-même, n'a toutefois pas empêché une centaine de personnes de questionner l'ensemble du concept proposé par le MTQ et la Ville de Montréal, a constaté La Presse au cours de cette assemblée publique.
Échanges guidés
Mercredi, 19h, une foule très calme d'une centaine de personnes occupait tous les fauteuils du petit auditorium de la Maison de la culture Mercier. Plus tôt, une heureuse agitation et de grandes accolades, à l'entrée de la salle, avaient salué l'arrivée de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, Mme Louise Harel.
Un militant de la Coalition pour humaniser la rue Notre-Dame, qui s'oppose au projet routier, distribuait des cartes postales montrant une simulation visuelle du futur boulevard - qui rappelle le décor de l'autoroute Décarie. «Voulez-vous voir ça dans votre cour?» demandait-il aux personnes présentes.
Après une présentation sommaire des grandes lignes du projet, où il n'est pas question des débits de circulation projetés, ni des impacts des six années de chantier qui vont hanter tout l'est de la ville, et une courte période de questions de 20 minutes, les participants se sont divisés en six tables de discussion pour commenter, en 90 minutes et à 12 personnes par table, les points inscrits à l'ordre du jour.
Mercredi, le hasard a voulu que La Presse prenne place à une table dont presque tous les participants étaient résidants du quartier Mercier-Est, qui n'est pas directement affecté par le projet. Mais ces résidants étaient là pour rappeler que même s'ils vivent de l'autre côté de l'autoroute 25 et que le MTQ n'a pas cru bon d'inclure ce quartier dans la zone d'étude du projet, ils subiront aussi les impacts négatifs de cette modernisation. À cause notamment des camions déjà trop présents dans ce quartier, coincé entre l'autoroute, le port et les raffineries de Montréal-Est.
De nombreux experts du MTQ et de la Ville étaient sur les lieux. Mais ils ne s'adressaient jamais directement aux gens. Lorsque surgissait une question d'ordre technique (par exemple: comment fera-t-on pour accéder à l'ancienne Tonnellerie, un monument patrimonial qui sera réaménagé au sud du futur boulevard?), l'animateur de la table brandissait un carton jaune.
Ce signal alertait aussitôt un des hôtes de la consultation - qui assistaient aux discussions en retrait -, qui prenait alors copie écrite de la question et disparaissait dans une salle voisine, avant de revenir avec une réponse écrite, lue à la table par l'animateur, et qui retrouvait ensuite les notes du secrétaire. Aucune copie de la réponse écrite n'était fournie à la table.
Si, au fil des thèmes et des points de discussion, les participants jouent volontiers le jeu de la discussion, posément et sans éclat de voix, aucun d'entre eux n'a émis le moindre commentaire positif à l'égard du projet en une heure et demie de rencontre. Des coups de sonde lancés par La Presse auprès de participants aux autres tables ont révélé la même insatisfaction générale.
Après 90 minutes, un sommaire des commentaires, suggestions ou critiques entendus était ensuite préparé et présenté aux participants, avec les sommaires des six autres tables, dans une plénière de 15 minutes. Fin de l'assemblée.
La consultation reprend demain dans le quartier Sainte-Marie, et jeudi dans Hochelaga-Maisonneuve. Les participants auront ensuite un peu moins de deux semaines pour soumettre leurs mémoires à Convercité (soit avant le 30 janvier).
THÈMES DE DISCUSSION
PARCS, ESPACES PUBLICS , PATRIMOINE BÂTI
Aménagement, accessibilité et sécurité des parcs et espaces publics
Mise en valeur des éléments patrimoniaux
RANSPORTS EN COMMUN ET TRANSPORT ACTIF ( VÉLO, MARCHE)
Fonctionnalité de la piste cyclable et du sentier piétonnier
Liens avec le réseau cyclable existant
Desserte locale en transports collectifs
Sécurité des déplacements
QUALITÉ DES MILIEUX DE VIE
Aménagement du parc linéaire et atténuation du bruit lié à la circulation
Murs antibruit, talus, écrans végétaux
QUALITÉ DE L' AIR
Interfaces entre la rue Notre-Dame et les quartiers limitrophes
Mesures d'atténuation de la circulation locale
Date limite pour soumettre un mémoire: 30 janvier
Audition des mémoires (sur demande) : 6 février
POUR EN SAVOIR PLUS
MTQ et Ville de Montréal
projetnotredame.qc.ca
Coalition pour humaniser la rue Notre-Dame
notre-dame.ouvrage.org
* SOURCE: Tous ces résultats sont en microgrammes par mètre cube d'air. Ces projections datent de 2003 et ont été réalisées dans le cadre d'un projet différent du projet actuel. Le ministère des Transports et la Ville de Montréal travaillent présentement à actualiser cette étude et estiment que «les modifications apportées au projet laissent entrevoir une diminution des émissions de matières particulaires».
Puis aujourd'hui, dans le même journal :
Le jeudi 24 janvier 2008
Rue Notre-Dame: la Santé publique nourrit l'opposition
Archives La Presse
Bruno Bisson
La Presse
Les écologistes et les résidants des quartiers voisins de la rue Notre-Dame qui s'opposent à la transformation de cette artère de l'est de la métropole en grand boulevard à huit voies de circulation, se réjouissent des critiques sévères émises à l'égard de ce projet routier par des médecins et chercheurs de la Direction de santé publique (DSP) de Montréal.
À l'occasion d'un briefing technique visant à présenter une nouvelle étude sur les impacts des transports sur la santé humaine, le Dr Louis Drouin, de la DSP, a estimé mardi qu'il était «inacceptable» d'augmenter la capacité routière de cette artère d'au moins 50% au moment où les maladies respiratoires et les décès attribuables à la pollution automobile sont de mieux en mieux documentés et en pleine croissance.
Résidante du quartier d'Hochelaga-Maisonneuve depuis 15 ans et porte-parole de la Coalition pour humaniser la rue Notre-Dame, Monique Désy-Proulx s'est dite surprise, mais surtout «ravie et soulagée» de la sortie publique de la DSP, qui risque d'alimenter le mécontentement palpable des participants lors des consultations publiques locales, qui se poursuivent ce soir dans ce quartier de l'est de Montréal. «Je pensais qu'on était tout seuls pour se défendre contre ce projet qui n'a aucune espèce de bon sens pour la population locale. Nous nous sentons enfin appuyés dans nos efforts pour modifier ce projet et en faire quelque chose de plus positif pour l'est de Montréal.»
«Depuis le début des consultations la semaine dernière, je n'ai pas entendu un seul commentaire positif sur ce projet d'autoroute, ajoute-t-elle. Avec cette caution de la DSP, je pense que le vent peut encore tourner dans la population, afin de faire entendre raison à la Ville de Montréal et au ministère des Transports du Québec (MTQ).»
Appelé à commenter la sortie publique des chercheurs de la DSP, le MTQ n'a pas rappelé La Presse, hier. Le responsable de ce projet à la Ville de Montréal, André Lavallée, chargé du dossier des Transports au comité exécutif municipal, a pour sa part affirmé hier que l'augmentation projetée de la capacité routière de la rue Notre-Dame permettra de régler des problèmes de circulation chronique, qui ont aussi des impacts sur la santé de la population locale.
«Il est nécessaire de passer de quatre à six voies de circulation pour favoriser une meilleure circulation des camions qui sortent du port de Montréal (qui longe la rue Notre-Dame sur tout son parcours), explique M. Lavallée. Nous prévoyons aussi canaliser la circulation de 11 000 véhicules par jour qui sont en transit dans Hochelaga-Maisonneuve parce qu'ils ne peuvent utiliser la rue actuelle, en raison de la congestion. Ces actions auront un impact bénéfique sur la population locale, en réduisant la circulation de transit et la pollution automobile.»
Ces arguments, utilisés par le MTQ depuis 2002 dans ce dossier, ne convainquent pas du tout le directeur général du Conseil régional de l'environnement de Montréal, André Porlier, qui les a qualifiés de «foutaise». «Nos données démontrent que le nombre de véhicules immatriculés et le nombre des véhicules qui franchissent les ponts de Montréal, chaque jour, n'ont jamais cessé de grimper, depuis 1999, dit M. Porlier. Dans ce contexte, ouvrir une voie de circulation de plus dans l'axe de Notre-Dame, c'est comme lancer une invitation aux automobilistes des banlieues qui se cherchent une nouvelle voie pour rentrer au centre-ville.»
"Oncques ne fauldray...jamais ne faillira"
Homo Platoregimontis