message posté le 7 juil 2007 à 21h09
Ecrit par moi
A lire aussi sur http://www.terrepolitique.com/2007/07/07/29-decembre-1991-retour-vers-le-futur/
C’était juste hier. J’ai pris une vielle cassette vidéo dans ma cave, celle dont on se sert plus. Cette cassette vidéo contient des enregistrements des fameux et hilarants dessins animés de Tex Avery. Je ne prend pas ma plume (et mon clavier) pour vous parler de Droopy. Au milieu de l’enregistrement, il y a l’édition de « Soir 3 », le journal du soir de feu FR3, du 29 décembre 1991. Présenté par Laurence Piquet, qui officie toujours sur la chaîne, on est loin de la version ultra-cadencée et tape-à-l’œil de Marie Drucker : un seul plan de camera du début à la fin, peu de fioriture dans la présentation, logos aujourd’hui ringards. Le contenu des informations a évidemment pris aussi un coup de vieux !
Un allez-retour 16 ans en arrière
Le premier reportage s’intéresse aux élections législatives à venir en Algérie. Ces fameuses élections annulées après le premier tour par le gouvernement, par peur d’une victoire du Front Islamique du salut (FIS), à l’origine d’une décennie de violence. Les auteurs du reportage présente les enjeux du scrutin, comme si ils connaissaient la suite. Le FIS est particulièrement mal traité, présenté uniquement comme un mouvement ultra-rétrograde, d’un autre âge, aspirant à établir une fois au pouvoir un état islamique. Le reportage, qui insiste du début à la fin sur un climat pré-insurectionel, montrent des militants du FIS, barbus à faire peur, regroupés autour d’un des leur qui entonne un chant islamique.
Ensuite, Laurence Piquet nous montre que les relations entre la France et l’Iran s’améliorent. Le reportage montre ces images de diplomates des deux pays discuter cordialement, notamment le nucléaire. La France s’engage, pour la première fois depuis 1979, à fournir l’uranium enrichi auquel la République islamique a le droit en vertu de sa participation dans Eurodif. C’est à ce moment que le reportage devient particulièrement intéressant : il y a cependant un problème à livraison, nous dit le commentateur, l’Iran ne cache pas ses ambitions d’acquérir la bombe nucléaire….
On enchaîne sur quelques images du conflit qui déchire la Yougoslavie depuis les indépendances croates et slovènes il y a quelques mois. Des images glaçantes d’un pays « à deux heures avions » comme on disait à l’époque, où apparaissent des soldats croates bombardé par soit l’armé fédérale yougoslave soit par les serbe au gré des phrases (1) .
La fin de l’année 1991 a été marquée par l’effondrement de l’URSS. L’unité des différentes républiques qui la composaient se poursuit avec la Communauté des Etats Indépendant (CEI), dont le reportage s’intéresse à sa dernière réunion à Minsk. Le propos du reportage est en fait centré sur la russie. Les pays occidentaux manifestent leur volonté de voir l’ex-géant jouer un rôle modeste dans les affaires internationales, sauf dans la lutte contre le trafic de drogue et … le terrorisme. Il est explicitement demandé à la Russie de n’exercer aucune nationalité avec les pays « terroristes », dont la Libye et l’Iran. Le reportage diffuse, pour remettre dans le contexte ses propos, le remplacement du drapeau soviétique par celui de la Russie sur la Place rouge, trois jours plus tôt. Le reportage insiste de multiples fois que 1992 sera une année difficile pour la Russie.
Pour la première fois du reportage, les informations passent en France. Grande polémique : le magasin Virgin Mégastore des Champs Elysée a ouvert ses portes un dimanche pour protester contre la fermeture dominical obligatoire des commerces en France. Le reportage s’immisce dans ces consommateurs quotidiens profitant de cette ouverture exceptionnelle. Un des client est interviewé : sa motivation est tout aussi exceptionnelle. En effet, il est venu exprès de Strasbourg pour acheter un Cd introuvables ailleurs. Scène surréaliste à l’heure actuelle, où grâce au web (apparu en 1993), il est possible de commander n’importe où, n’importe quoi ou presque.
En fin de journal, un reportage sur un marathon en banlieue parisienne. Editions du 13h, de 20h, du soir, de la semaine, du week-end, 1992 ou 2007, il y a toujours ce type de reportage, totalement futiles.
Des images d’un autre temps ?
Ce petit retour en arrière inattendu est très enrichissant. J’ai été étonné de n’y trouver aucun sujet dépassé (hormis l’ouverture de Virgin mégastore). Le marathon fait partie de ces informations intemporelles. Par contre, les reportages sur l’Algérie, les Balkans, la Russie et l’Iran respirent une étrange actualité.
L’Algérie a connu récemment des élections législatives. Les médias français ont fait complètement l’impasse sur ce sujet pourtant extrêmement intéressant (2) . On sait désormais que c’est le sanguinaire et dictatorial pouvoir des généraux qui ont manipulé (avec l’aide de la France) les mouvement islamistes et les ont présentés comme une grande menace pour légitimer leur pouvoir. En 2007, le pouvoir issu de cette guerre civile est moribond, comme le montre le spectaculaire taux d’abstention. La place de la Russie dans les relations internationales, notamment avec les pays occidentaux, est toujours en question. La Russie ne semble pas vouloir prendre le chemin de la « vassalité » des pays occidentaux, comme en témoigne la controverse sur le bouclier anti-missile américain en Europe de l’Est, sa complicité avec l’Iran et son refus d’une indépendance du Kosovo. Le conflit des nationalités dans les Balkans et les ambitions nucléaires iraniennes, traité dans le journal télévisé de 1991 restent toujours d’actualité. La brèche qui a été ouverte dans les années 1990 par l’effondrement de l’URSS se poursuit à l’heure actuelle. Ces années là ont dû être passionnantes, pour moi qui étais encore trop petit pour m’en rendre compte.
Ce que Laurence Piquet parle quelques jours après Noël 1991 n’est en rien anachronique. L’actualité, et nous avons tendance à l’oublier s’inscrit dans la longues durée. Pas besoin d’en revenir à Charlemagne pour expliquer la construction européenne, ni à Mahomet pour les métamorphoses contemporaines de l’islam. Il est difficile de comprendre ce qu’il se passe en Israël-Palestine, si on n’en revient pas au conflit des Six-jours qui a déchiré la région il y a quarante ans.
L’information actuelle est trop fragmentée pour être pertinente et comprise de tous.
A lire aussi sur http://www.terrepolitique.com/2007/07/07/29-decembre-1991-retour-vers-le-futur/
C’était juste hier. J’ai pris une vielle cassette vidéo dans ma cave, celle dont on se sert plus. Cette cassette vidéo contient des enregistrements des fameux et hilarants dessins animés de Tex Avery. Je ne prend pas ma plume (et mon clavier) pour vous parler de Droopy. Au milieu de l’enregistrement, il y a l’édition de « Soir 3 », le journal du soir de feu FR3, du 29 décembre 1991. Présenté par Laurence Piquet, qui officie toujours sur la chaîne, on est loin de la version ultra-cadencée et tape-à-l’œil de Marie Drucker : un seul plan de camera du début à la fin, peu de fioriture dans la présentation, logos aujourd’hui ringards. Le contenu des informations a évidemment pris aussi un coup de vieux !
Un allez-retour 16 ans en arrière
Le premier reportage s’intéresse aux élections législatives à venir en Algérie. Ces fameuses élections annulées après le premier tour par le gouvernement, par peur d’une victoire du Front Islamique du salut (FIS), à l’origine d’une décennie de violence. Les auteurs du reportage présente les enjeux du scrutin, comme si ils connaissaient la suite. Le FIS est particulièrement mal traité, présenté uniquement comme un mouvement ultra-rétrograde, d’un autre âge, aspirant à établir une fois au pouvoir un état islamique. Le reportage, qui insiste du début à la fin sur un climat pré-insurectionel, montrent des militants du FIS, barbus à faire peur, regroupés autour d’un des leur qui entonne un chant islamique.
Ensuite, Laurence Piquet nous montre que les relations entre la France et l’Iran s’améliorent. Le reportage montre ces images de diplomates des deux pays discuter cordialement, notamment le nucléaire. La France s’engage, pour la première fois depuis 1979, à fournir l’uranium enrichi auquel la République islamique a le droit en vertu de sa participation dans Eurodif. C’est à ce moment que le reportage devient particulièrement intéressant : il y a cependant un problème à livraison, nous dit le commentateur, l’Iran ne cache pas ses ambitions d’acquérir la bombe nucléaire….
On enchaîne sur quelques images du conflit qui déchire la Yougoslavie depuis les indépendances croates et slovènes il y a quelques mois. Des images glaçantes d’un pays « à deux heures avions » comme on disait à l’époque, où apparaissent des soldats croates bombardé par soit l’armé fédérale yougoslave soit par les serbe au gré des phrases (1) .
La fin de l’année 1991 a été marquée par l’effondrement de l’URSS. L’unité des différentes républiques qui la composaient se poursuit avec la Communauté des Etats Indépendant (CEI), dont le reportage s’intéresse à sa dernière réunion à Minsk. Le propos du reportage est en fait centré sur la russie. Les pays occidentaux manifestent leur volonté de voir l’ex-géant jouer un rôle modeste dans les affaires internationales, sauf dans la lutte contre le trafic de drogue et … le terrorisme. Il est explicitement demandé à la Russie de n’exercer aucune nationalité avec les pays « terroristes », dont la Libye et l’Iran. Le reportage diffuse, pour remettre dans le contexte ses propos, le remplacement du drapeau soviétique par celui de la Russie sur la Place rouge, trois jours plus tôt. Le reportage insiste de multiples fois que 1992 sera une année difficile pour la Russie.
Pour la première fois du reportage, les informations passent en France. Grande polémique : le magasin Virgin Mégastore des Champs Elysée a ouvert ses portes un dimanche pour protester contre la fermeture dominical obligatoire des commerces en France. Le reportage s’immisce dans ces consommateurs quotidiens profitant de cette ouverture exceptionnelle. Un des client est interviewé : sa motivation est tout aussi exceptionnelle. En effet, il est venu exprès de Strasbourg pour acheter un Cd introuvables ailleurs. Scène surréaliste à l’heure actuelle, où grâce au web (apparu en 1993), il est possible de commander n’importe où, n’importe quoi ou presque.
En fin de journal, un reportage sur un marathon en banlieue parisienne. Editions du 13h, de 20h, du soir, de la semaine, du week-end, 1992 ou 2007, il y a toujours ce type de reportage, totalement futiles.
Des images d’un autre temps ?
Ce petit retour en arrière inattendu est très enrichissant. J’ai été étonné de n’y trouver aucun sujet dépassé (hormis l’ouverture de Virgin mégastore). Le marathon fait partie de ces informations intemporelles. Par contre, les reportages sur l’Algérie, les Balkans, la Russie et l’Iran respirent une étrange actualité.
L’Algérie a connu récemment des élections législatives. Les médias français ont fait complètement l’impasse sur ce sujet pourtant extrêmement intéressant (2) . On sait désormais que c’est le sanguinaire et dictatorial pouvoir des généraux qui ont manipulé (avec l’aide de la France) les mouvement islamistes et les ont présentés comme une grande menace pour légitimer leur pouvoir. En 2007, le pouvoir issu de cette guerre civile est moribond, comme le montre le spectaculaire taux d’abstention. La place de la Russie dans les relations internationales, notamment avec les pays occidentaux, est toujours en question. La Russie ne semble pas vouloir prendre le chemin de la « vassalité » des pays occidentaux, comme en témoigne la controverse sur le bouclier anti-missile américain en Europe de l’Est, sa complicité avec l’Iran et son refus d’une indépendance du Kosovo. Le conflit des nationalités dans les Balkans et les ambitions nucléaires iraniennes, traité dans le journal télévisé de 1991 restent toujours d’actualité. La brèche qui a été ouverte dans les années 1990 par l’effondrement de l’URSS se poursuit à l’heure actuelle. Ces années là ont dû être passionnantes, pour moi qui étais encore trop petit pour m’en rendre compte.
Ce que Laurence Piquet parle quelques jours après Noël 1991 n’est en rien anachronique. L’actualité, et nous avons tendance à l’oublier s’inscrit dans la longues durée. Pas besoin d’en revenir à Charlemagne pour expliquer la construction européenne, ni à Mahomet pour les métamorphoses contemporaines de l’islam. Il est difficile de comprendre ce qu’il se passe en Israël-Palestine, si on n’en revient pas au conflit des Six-jours qui a déchiré la région il y a quarante ans.
L’information actuelle est trop fragmentée pour être pertinente et comprise de tous.
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